« Aujourd'hui, les Français d'Algérie lancent un ultime appel. Cet appel, c'est à vous qu'ils l'adressent, Monsieur le Président, non seulement pour en affirmer le caractère solennel, mais surtout parce qu'ils savent que vous êtes seul désormais capable de les écouter et de les comprendre.
Depuis deux mois, les Français d'Algérie assistent à l'élaboration de la loi-cadre sans pouvoir y prendre part, puisqu'ils n'ont plus de représentants à l'Assemblée Nationale.
Depuis deux mois, ils voient avec stupeur, leur destin se jouer dans la confusion, les intrigues et les marchandages.
Depuis deux mois, ils espéraient que le Parlement et le Gouvernement allaient, malgré tout, tenir compte de quelques-uns de leurs vœux. Il apparaît aujourd'hui, que cet espoir même sera déçu.
Ce n'est point ici le lieu de développer les raisons pour lesquelles les Français d'Algérie – permettez-moi de les appeler encore ainsi et de ne pas les qualifier d'Européens - ne veulent pas de collège unique ni de l'exécutif fédéral. L'avenir dira si les Français d'Algérie, rendus lucides par le malheur, ont eu raison d'y voir les premières étapes de la disparition de la Souveraineté française en Algérie.
Ce qui est certain, c'est qu'à aucun moment, au cours de l'élaboration de la loi-cadre, on n'a tenu compte des Français d'Algérie. Il est clair au contraire qu'on les considère désormais comme quantité négligeable ; avec eux, point n'est besoin de faire de l'action psychologique, comme l'a parfaitement compris un général plus connu par sa poigne que par son tact.
Avec eux, ce n'est plus la peine de se gêner n'ont-ils pas juré, eux, de rester Français envers et contre tout?
Vous comprendrez alors, Monsieur le Président, que les hommes qui ont fait de l'Algérie une terre Française, une terre de chez nous, et qui, depuis trois ans, ont tenu bon sur leur sol, malgré le déchaînement de la rébellion, conçoivent au jourd'hui, quelque amertume.
S'ils s'adressent à vous, en cette heure grave, avec confiance et respect, c 'est parce qu 'ils savent bien que vous êtes le dern ier recours des condamnés à mort.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de nos sentiments profondément respectueux. »