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Nécrologie de Vincent MOLINA
Cercle de Drôme Ardèche

Article de presse paru dans le Dauphiné Libéré du 18 mai 2008
Lettre lue lors de la cérémonie religieuse - le 2 mai 2008

Mesdames, Messieurs,

Il ne m'a pas été facile d'écrire ces quelques lignes concernant notre ami Vincent, mais j'étais loin d'imaginer qu'il serait encore plus difficile de les partager aujourd'hui avec vous, tant l'émotion est grande. Seul devant la feuille blanche, je me suis posé probablement les mêmes questions que se posent tous ceux qui ont eu avant moi le privilège de parler d'un ami qui vient de nous quitter. Que dire, par où commencer ? Comment ne rien oublier, sans être trop long ?
Je me suis alors renseigné auprès de sa famille et auprès de ses nombreux amis. Je les remercie aujourd'hui pour l'aide qu'ils ont bien voulu m'apporter. Veuillez me pardonner les oublis ou les petites erreurs. Il était impossible de résumer toute une vie en si peu de mots.

Nous sommes aujourd'hui réunis en l'église Sainte Thérèse pour rendre un dernier hommage à Vincent. Je sais qu'il était un homme pieux et qu'il fréquentait régulièrement les bancs de cette église.

Vincent est né le 5 janvier 1924, sur cette terre d'Afrique du Nord qu'il aime passionnément.
Il voit le jour à Sidi-Bel-Abbès, ville de l'Ouest de l'Algérie, berceau de sa famille et de la légion étrangère. Comme tous les enfants de son âge, il fréquente l'école de son quartier avant de poursuivre au collège Laperrine de Sidi-Bel-Abbès. Il est l'aîné de sept enfants. Vis à vis de ses deux frères et de ses quatre sœurs, dont il est très proche, il se comporte en véritable grand frère, prévenant et protecteur. Il emmène ses sœurs au bal, leur apprend même à danser.
Il est appelé sous les drapeaux en 1942 et comme de très nombreux jeunes gens de ces départements Français d'Algérie, il part libérer la Mère Patrie de l'occupation Allemande. Il a tout juste 18 ans lorsqu'il incorpore notre belle armée d'Afrique.
Il débute sa vie professionnelle chez un avocat, puis il entre à la Mairie de Sidi-Bel-Abbès, avant de créer avec son père, artisan tailleur de pierre, une entreprise de travaux publics à Oran.
Il épouse Armande le 28 octobre 1950 à Sidi-bel-Abbès.
De leur union naîtront 2 enfants, Vincent et Pierre qui lui feront l'immense joie d'être quatre fois grand-père.
1954, de nouveau l'avenir s'assombrit. Il est rappelé sous les drapeaux pendant la guerre d'Algérie. Il est basé à Tlemcen. Comme toutes les familles pieds-noirs, il connaît en 1962, les affres de l'exode et la terrible épreuve d'être arraché de sa terre natale.

Il s'installe alors avec sa famille à Valence et se met à son compte en tant qu'entrepreneur. Son professionnalisme est vite reconnu et apprécié. Par la suite, il entre à la Direction Départementale de l'Equipement où il termine sa carrière.

Vincent aime être entouré de sa famille, mais il n'a rien oublié de l'Algérie et souhaite s'investir dans le monde associatif afin d'aider ses compatriotes d'exil et recréer les liens qu'ils avaient connus là-bas.
Dès 1976, Vincent aide Yves BAUDIER à fonder «L 'Algérienne», association de rapatriés qui deviendra par la suite le CAPFA. Il y occupe le poste de secrétaire général et en est l'une des chevilles ouvrières les plus actives.
Il adhère aussi à la FNR et à l'ANFANOMA, deux autres associations de rapatriés valentinoises.
Infatigable, il s'investie encore davantage au sein du monde rapatriés, en devenant secrétaire général du Centre culturel des rapatriés dès sa fondation en 1984.

Tous ceux qui l'ont côtoyé reconnaissent en lui un homme dynamique, disponible et généreux. Il est fidèle en amitié et toujours à l'écoute.

Mais Vincent aime passionnément sa terre natale dont il veut défendre la mémoire. Il veut aussi sauvegarder cette culture qui naquit de l'autre côté de la méditerranée, tout au long des 132 années de présence française en Algérie. De ce fait, il ne peut qu'être séduit par le Cercle algérianiste, association culturelle des français d'Afrique du nord, dont il partage les objectifs et les convictions. Il n'a alors qu'une idée en tête. Fonder un Cercle à Valence.
Aidé par les associations de rapatriés valentinoises, il fonde le Cercle Algérianiste de Drôme Ardèche, le 17 février 1985. Ce sera sa plus grande fierté au niveau associatif.

A travers les manifestations culturelles que le Cercle organise, Vincent a la volonté de partager sa passion et son combat pour la vérité avec le plus grand nombre tout en resserrant les liens d'amitiés de tous ceux qui aiment comme lui profondément l'Algérie.
Il s'attache alors à maintenir la gratuité des conférences, tout en mettant à contribution, les femmes du conseil d'administration, son épouse et les épouses des administrateurs, pour préparer le repas convivial servi aux participants, seul moyen de renflouer les caisses de l'association.

Merci à Armande, pour avoir soutenue Vincent tout au long de sa présidence et de s'être autant investie dans la vie du Cercle. Je suis persuadé que cela ne fut pas toujours facile.


Le Président Vincent Molina (à droite) en 1993.

Vincent est un meneur d'hommes, combatif et motivé. Il organise avec son équipe, le 16ème congrès national du Cercle algérianiste à Valence en 1989.
C'est un immense succès qui marque encore aujourd'hui la mémoire des nombreux participants. L'impact sur la communauté pieds noire permet au Cercle de Valence de prendre un nouvel essor. A cette époque, en collaboration avec le Maire de Valence, il fait réaliser les travaux nécessaires à la construction du local que nous occupons aujourd'hui.

A l'occasion des trente ans de notre exode en 1992, il organise avec son équipe une grande manifestation au Palais de la Foire ayant pour thème l'épopée de la PREMIERE ARMEE.
Cette manifestation est couronnée de succès.

Infatigable et toujours aussi dévoué, trois semaines plus tard, Vincent et le Cercle organisent une seconde manifestation sur deux jours à PIERRELATTE. La réussite est là encore au rendez-vous.

Visionnaire, il se tourne aussi vers les enfants de pieds-noirs. Il souhaite en effet attirer la jeune génération à s'intéresser à leurs racines. Pour cela, il fonde en 1991 le Cercle des jeunes Pieds-noirs. Malheureusement, la poursuite des études éparpille dans tout l'hexagone les membres de ce tout nouveau Cercle. Il est dissous après seulement un an de fonctionnement.
A titre personnel, ce ne fut pas un échec. En effet, grâce à cette initiative j'adhère pour la première fois, à l'âge de 25 ans, au Cercle algérianiste, et j'ai l'honneur aujourd'hui d'en être le président.

Mais Vincent ne veut pas en rester là. Il veut lutter contre la désinformation qui se glisse jusque dans les manuels scolaires, concernant la présence française en Algérie.

Il souhaite tout particulièrement toucher les jeunes générations. C'est en 1995 que germe alors l'idée d'une exposition itinérante relatant l'œuvre française en Algérie de 1830 à 1962, avec l'édition d'une plaquette accompagnée d'une Cassette vidéo. Au bout de deux années d'un dur labeur, le succès couronne les efforts et le travail remarquable de tout un groupe, dirigé par Vincent. L'exposition est mise sur pied. Elle est présentée entre lors d'une grande manifestation dans la ville de Crest.

Une cassette vidéo accompagnée d'une plaquette voient le jour. Ces dernières sont diffusées à plusieurs centaines d'exemplaires. Le but est atteint, de nombreuses cassettes vidéos sont demandées par des collèges et des lycées.


Le Président Vincent Molina (4ème en partant de la gauche) entouré du Conseil d'administration lors du 10ème anniversaire du Cercle de drôme Ardèche en 1995.


Le Président Vincent Molina (au centre) entouré du Conseil d'administration du Cercle de drôme Ardèche lors de l'assemblée générale du 4 mars 2001.

Fatigué, il songe alors sérieusement à céder sa place. Il quitte à regret en mars 2001, le poste de président qu'il occupe depuis 16 ans.

La sympathie qu'il inspirait avait fait du Cercle algérianiste de Valence un lieu de convivialité autant que de travail.

Ses successeurs au poste de Président, Ange Gilbert CARAMANTE et moi-même avons toujours pu compter sur son expérience et ses conseils pour nous aider à poursuivre son œuvre et même si la maladie l'empêchait d'assister comme il l'aurait souhaité à toutes les manifestations, il se préoccupait toujours de la bonne santé de son association.

Il en était, en tant que président d'honneur, le plus fidèle militant.

Toujours actif, malgré les années et la maladie, je sais qu'il avait entrepris un nouveau travail de mémoire qu'il destinait à ses petites filles qu'il adorait. Il écrivait je crois un livre souvenirs, un livre témoignage sur ce qu'il avait vécu tout au long de sa vie, pour laisser une trace et ne rien oublier de son pays natal, de sa terre abandonnée. J'espère de tout cœur qu'il aura eu le temps de le terminer.

Soyons inspiré un fois encore par le merveilleux cadeau que Vincent fait à ces petites filles à travers ce livre, et suivons son exemple, car comme le dit une chanson d'un artiste de chez nous que vous connaissez probablement.
«dépêche-toi d'écrire, dépêche-toi de parler, car un pied-noir qui meurt c'est la mort d'un témoin» «dépêche-toi d'écrire, dépêche-toi de parler, la culture en péril d'un peuple dispersé comme une fleur fragile, il faut la conserver».

Malheureusement, le temps et la maladie ont continué leur œuvre.
Jusqu'à ce lundi 28 avril, Armande est restée à ses côtés avec amour et courage et l'a aidé jusqu'aux derniers instants, comme elle l'avait toujours fait depuis qu'elle partageait sa vie et ses passions.

Tous ceux qui ont apprécié les qualités humaines de Vincent vont durement ressentir sa disparition.

Fidèle militant de notre cause, défenseur acharné de notre mémoire, la grande famille algérianiste et au delà, la grande famille pieds-noire est aujourd'hui bien triste.
Vincent était Chevalier National de l'Ordre du Mérite (Décoration remise par Hélie Denoix de Saint-Marc).

Laure, Marina, Colline, Victoria, soyez fière de votre Grand-Père. Je sais qu'il vous adorait
C'était un homme profondément humain, fidèle dans ses engagements et envers ses amis.
C'était un homme de conviction, passionné, droit et intègre, aimant par dessus tout sa famille et la terre qui l'a vu naître.

Tous ici nous t'aimions Vincent, tous ici nous te regrettons.

Au revoir Vincent, soit assuré que nous poursuivrons ton combat et que tu occuperas toujours dans nos cœurs la place que tu mérites.

Bernard CINI, le 2 mai 2008.


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