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Lettre ouverte de Roland COURTINAT
Lettres ouvertes
Sa conférence

Réponse aux propos tenus par Antoine Sfeir, lors de l'émission «C dans l'air», diffusée le 5 décembre 2007 sur France 5.
Titre de l'émission : «Sarko décolonise l'Algérie»

Lettre à Antoine SFEIR

Monsieur,

Je regarde avec beaucoup d'intérêt les émissions «C dans l'air» auxquelles vous participez. Je vous reconnaissais comme un expert du monde arabe, représentant d'une communauté arabo-chrétienne qui subit le joug islamique depuis des siècles. Pardonnez-moi mais pour ce qui concerne l'histoire contemporaine de l'Algérie, vous n'en connaissez pas d'avantage que la désinformation officielle du politiquement correct.

J'ai été outré par vos propos lors de l'émission de mardi ou mercredi dernier, au cours de laquelle vous avez osé assimiler le «Mur des Disparus» de Perpignan comme un monument «à la gloire de l'OAS» et la loi du 24 février 2005 comme une forfaiture.

Je ne m'engagerais par sur le terrain mouvant de savoir si l'OAS était un bien ou un mal. Les lois liberticides Pleven-Gayssot-Lellouch m'obligent à une extrême prudence. Mais relier le «Mur des Disparus» de Perpignan à un monument à la gloire de l'OAS est une ignominie.

Tout d'abord ce mur a été érigé avec le concours de milliers de Pieds-Noirs et plus de 200 associations et amicales de Français d'Algérie. Son financement fut réalisé par des dons privés. Tous OAS ?
A l'inauguration du Mémorial le 25 Novembre, il y avait plus de 5.000 personnes. Toutes OAS ?
Il était poignant de voir les familles en pleurs posant leurs mains sur les noms de leurs chers disparus. Tous OAS ?
Cette femme qui, à peine âgée de 8 ans à l'époque, a eu le bras arraché par une bombe d'un terroriste du FLN. Elle aussi OAS ?

En réalité, avant et surtout après les catastrophiques accords d'Evian, des milliers de Français d'Algérie, de Harkis, de militaires ont disparu, enlevés sans laisser de trace. Drame terrible, scellé dans la pierre de ce monument où une dizaine de plaques sont recouvertes des noms des 3.619 disparus, hommes, femmes, enfants, vieillards, enlevés par le FLN. Tous OAS ?

Si vous le permettez, je vous conseillerais de lire la presse régionale, en particulier «L'Indépendant» du 26 Novembre qui donne un compte-rendu objectif et honnête de la manifestation. Cette union historique de notre communauté dans le souvenir de son passé le plus tragique marque par sa présence à cette manifestation sa solidarité avec les familles, sa communion avec les disparus, sa volonté de voir perpétuer notre «devoir de mémoire» !

Malheureusement, vous venez de faire disparaître ces morts sans sépulture une seconde fois.

En ce qui concerne la loi du 24 février 2005, c'est surtout son article 1er qui vous chatouille. C'est faire peu de cas de l'oeuvre accomplie par la France au Maghreb. Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler qu'avant le 14 juillet 1830 l'Algérie n'existait pas. C'était la Régence d'Alger, possession turque vassale de l'empire ottoman, installée par Kheir-ed-Dine Barberousse. Le terme «Algérie» ne viendra que bien après la conquête (ordonnance royale du 22 juillet 1834). La période turque est appelée par E.E Gautier «les siècles obscurs». L'Algérie turque était un pays où il n'y avait rien : pas d'administration, pas de voies de communications (un seul pont enjambait l'oued Chélif, construit par des esclaves espagnols). Pas d'économie publique. La Régence d'Alger ne pouvait subsister que par la piraterie et l'esclavage. Les souverains d'Alger avaient un contrôle total sur toutes les prises, quelles soient marchandes ou humaines.

Au congrès d'Aix-la-Chapelle en 1819, les puissances européennes mandatent la France et l'Angleterre pour faire cesser la piraterie, qualifiée de «système hostile au commerce pacifique», sous menace d'une «ligue générale des puissances». La France et l'Angleterre ne recevront qu'un refus brutal de la part du dey Hussein.

À la suite du «coup de l'éventail» donné à notre consul Deval le 30 avril 1827, pour venger l'honneur et la dignité de la France, un blocus (16 juin 1827) est proclamé et durera plus de deux ans. Le 2 août 1829 le blocus est levé. À la sortie du port, en dépit de son pavillon parlementaire, le navire «La Provence» portant la marque de l'amiral La Bretonnière, est attaqué par les batteries algéroises. 80 coups de canon sont tirés sur le vaisseau-amiral, qui évolue et regagne la haute mer, sans riposter. Ce n'est plus un affront, c'est un crime.

Le 29 janvier 1830, la décision est prise en conseil des ministres d'une intervention. Le 7 février 1830, Charles X donne son approbation et l'expédition entre dans sa phase préparatoire. Le 25 mai au matin, le navire-amiral «La Provence» suivi de toute l'armée navale, appareille de Toulon pour «rendre la liberté aux mers et donner l'Algérie à la France».

Je ne m'étendrais pas sur les bienfaits de la colonisation qui, comme toute oeuvre humaine, ne fut jamais parfaite. Je vous invite, si vous le permettez, à lire le livre du professeur Goinard «L'Algérie - l'oeuvre française», et celui du professeur Laffitte «C'était l'Algérie». De ce pays aride et inculte, nos ancêtres ont fait un pays moderne. Ils ont construit des routes, des voies ferrées, des ports, des aéroports, des barrages et tout un réseau d'irrigation pour la mise en valeur de cette contrée. Ils y ont découvert le pétrole. Par leur sueur et leur sang, des marais pestilentiels de la Mitidja, ils ont fait un territoire verdoyant. En assimilant ces pauvres cultivateurs tués à la tâche à des colons repus de biens, vous les assassinez une seconde fois.
Alors, par pitié Monsieur, surtout pas vous...

Recevez, Monsieur, mes salutations pleines d'amertume.

Roland COURTINAT - Les Cahiers de l'Orient - 36 rue Convention - 75015 Paris

Qui est Roland COURTINAT?
Voir l'article sur sa conférence tenue à Valence le 9 mars 2008

Monsieur Roland Courtinat est né à Alger en 1927.

Après des études au lycée Bugeaud puis à la Faculté des sciences d’Alger, il commence sa vie professionnelle dans la société algérienne des Entreprises Léon Chagnaud, comme chef de fabrication des canaux d’irrigation en béton armé. Son parcours professionnel le conduit de Rouen à Marseille où il occupe un poste d’ingénieur au Dragage et Travaux Publics.

En 1984, il retrouve sa ville natale après avoir été nommé ingénieur sécurité pour tous les chantiers de la société en Algérie.

Il rentre en France en 1986 pour prendre sa retraite.
Il se passionne alors, au travers de ses lectures, à l’histoire de la piraterie barbaresque ayant comme base essentielle la régence d’Alger.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : «La piraterie barbaresque en Méditerranée - XVIème-XIXème siècle», «Vérité pour l'histoire» (chroniques pour servir et remettre à l'endroit l'histoire du Maghreb).


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